Joseph Fourier

Joseph Fourier

Naissance 21 mars 1768
Décès Nationalité
Formation École normale (à partir de 1794) École normale supérieure
Activités Mathématicien, professeur d'université, haut fonctionnaire, ingénieur, archéologue, physicien, historien, écrivain

Jean Baptiste Joseph Fourier est un mathématicien et physicien français né le 21 mars 1768 à Auxerre et mort le 16 mai 1830 à Paris. Joseph Fourier est connu pour avoir déterminé, par le calcul, la diffusion de la chaleur en utilisant la décomposition d'une fonction périodique en une série trigonométrique, qui sous certaines conditions, converge vers la fonction. Ces séries sont utilisées dans la résolution des équations aux dérivées partielles.

Biographie

Veuf en 1757, son père, qui avait déjà trois enfants, se remarie deux ans plus tard avec Edmée Germaine Lebègue. Treize enfants sont nés de cette union. Joseph, né le 21 mars 1768 à Auxerre2, en est le dixième. À 8 ans, Joseph perd sa mère et, deux ans plus tard, son père. L'organiste d'Auxerre, Joseph Pallais, le fait entrer dans le pensionnat qu'il dirige. Recommandé par Mgr Champion de Cicé, évêque d'Auxerre, il intègre en 1780 l'École militaire d'Auxerre tenue alors par les Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur. Élève brillant, dès l'adolescence, il développe un profond intérêt pour les mathématiques, qui vire à l'obsession. Promu professeur dès l'âge de seize ans, il peut dès lors commencer ses recherches personnellesa. Il apparaît rapidement que seules deux voies raisonnables s'offrent à lui : une carrière militaire ou l'Église. Malgré la demande appuyée par le mathématicien Legendre, le ministre de la Guerre refuse de l'intégrer au corps des ingénieurs ou à celui de l'artillerie, car il n'est pas noble. Fourier entre, en 1787, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire où il enseigne les mathématiques à d'autres novices. Il est rendu à la vie civile par la dissolution des ordres religieuxb, quelques jours avant de prononcer ses vœux3,4. À la suite d'une intervention très éloquente devant l'assemblée des citoyens d'Auxerre,[réf. nécessaire] il participe à la Révolution. Poussé par le suffrage populaire, il devient notamment président de la Société populaire d'Auxerre. Bien qu'il occupe la plus haute responsabilité de la Terreur à Auxerre, Fourier ne participe jamais à des activités violentes. Dès que cela lui est possible, il intervient en faveur des plus vulnérables, parvenant par divers stratagèmes à faire éviter l'exécution de certains ordres qui lui paraissent injustes.[réf. nécessaire] Son placement en détention sur ordre du Comité de sûreté générale, le 4 juillet 1794, n'est certainement pas étranger à ces prises de position. Il est sauvé de justesse par la chute de Robespierrec. Les citoyens d'Auxerre se mobilisent en sa faveur et obtiennent sa libération. En 1795, à 26-27 ans, il fait partie des jeunes gens qui suivent les cours de la toute nouvelle École normale de l’an III. Cette École éphémère — elle ne dure que quatre mois exactement, du 20 janvier au 19 mai 1795 — compte parmi ses instructeurs les mathématiciens Joseph-Louis Lagrange, Gaspard Monge et Pierre-Simon Laplace ainsi que le minéralogiste René Just Haüy et le chimiste Claude-Louis Berthollet. Fourier y est rapidement sélectionné comme chargé des « conférences » — on dirait « travaux dirigés » aujourd’hui — qui remplacent les débats. Conséquence de l'affaiblissement des Jacobins au sein du Comité de salut public, il est à nouveau incarcéré le 7 juin 1795. Libéré, sans doute sur intervention de Lagrange et Monge, il retourne en qualité de professeur assistant à l'École centrale des travaux publics dont le directeur est Monge. Peu de temps après, il assiste à l'inauguration de l’École polytechnique — successeure de l'École centrale des travaux publics —, créée par la loi du 15 fructidor an III (1er septembre 1795) où il reste quelques années en se consacrant presque exclusivement à l'enseignement, collaborant avec Monge pour les cours de géométrie descriptive et enseignant l'analyse sous la tutelle de Lagrange. En 1797, il succède à Lagrange, à la direction du cours d’analyse et de mécanique. Il publie son premier article dans le Journal de l'École polytechnique en 17985. En 1798, il est désigné pour faire partie de la campagne d'Égypte et embarque à Toulon le 19 mai. Il occupe un haut poste de diplomate, devient secrétaire de l'Institut d'Égypte dont il anime la vie scientifique et conduit une exploration en Haute-Égypte aux côtés de Louis Costazd. À son retour en France en 1802, il retrouve son poste de professeur à l'École polytechnique, mais peu après Napoléon le nomme préfet de l'Isère6 le 12 février, succédant au premier préfet de l'Isère, Ricard, mort un an après son entrée en fonction. La campagne d'Égypte a fortement nui à sa santé, il s'était acclimaté à ce pays et le froid et l'humidité de Grenoble lui causent des rhumatismes. Il hait le froid, dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'il se soit intéressé au problème physique de la conduction de la chaleur. Le 21 décembre 1807, il présente à l'Académie des sciences un mémoire intitulé Théorie de la propagation de la chaleur dans les solides, on y trouve une bonne partie des résultats qui formeront son œuvre maîtresse, la Théorie analytique de la chaleur publiée en 18227. Buste de Joseph Fourier au Musée de l'Ancien Évêché de Grenoble. Caricature de l’expérience égyptienne de la Commission des sciences et des arts accompagnant Bonaparte. Il crée en 1810 la Faculté (université) Impériale de Grenoble dont il devient le recteur, Jacques-Joseph Champollion devient son secrétaire. Il encourage le jeune frère de ce dernier, Jean-François Champollion, à déchiffrer les hiéroglyphes. Ils deviennent familiers et animent les soirées de l’hôtel de Lesdiguières au côté des grands Grenoblois3. Joseph Fourier ne néglige pas ses fonctions de préfet et permet la construction de la route entre Grenoble et Briançon par le franchissement du col du Lautaret, ainsi que l'assèchement des marais de Bourgoin e. Il participe également à la vie intellectuelle locale à travers une société savante, l'Académie delphinale. Napoléon abdique en 1814, et la monarchie est restaurée en France. Maintenu à son poste de préfet lors de la première Restauration, il parvient à dévier l'itinéraire de Napoléon, évitant ainsi une rencontre embarrassante à Grenoble alors que celui-ci se rend sur l'île d'Elbe. Quand Napoléon débarque à Golfe-Juan dans l'intention de restaurer l'Empire, Fourier ne peut néanmoins l'esquiver une nouvelle fois et les deux hommes se rencontrent finalement à Bourgoin. Napoléon est ouvertement hostile,[réf. nécessaire] mais décide de le garder à son service, le nommant sur-le-champ préfet du département du Rhône. Fourier accepte le poste, mais exprime à Napoléon ses doutes quant à la réussite de son plan de reconquête[réf. nécessaire]. Soumis aux exigences épuratrices de l'Empire, Fourier démissionne avant Waterloo. Il considère Napoléon comme un usurpateur du pouvoir et pense que le nouveau régime ne tiendra pas longtemps, ce qui le conduit à manœuvrer en s'efforçant de maintenir de bonnes relations avec la monarchie. Le 17 mai 1815, Fourier est destitué pour avoir refusé d'adopter certaines mesures ordonnées par Carnot f et qu'il juge extrêmes : il quitte Lyon et s'installe à Paris. Il est élu une première fois à l'Académie des sciences en 1816, mais Louis XVIII refuse sa nomination. Sur proposition d'un ancien élève de Polytechnique, préfet de la Seine, il est nommé directeur du Bureau des statistiques de la Seine. En 1817, une nouvelle élection a lieu à l'Académie des sciences et cette fois il en devient membre. À partir de ce moment, débarrassé de tous les soucis financiers, il peut enfin réaliser son rêve : se consacrer de façon quasi exclusive à la recherche. Jean-Baptiste Joseph Delambre, qui occupe le poste de secrétaire perpétuel de l'Académie, meurt en 1822. Lors de la séance du 18 novembre 1822 consacrée à la nomination de son successeur, Fourier remporte l'élection face à Jean-Baptiste Biot, à 38 voix contre 10. Le 6 janvier 1823, le roi Louis XVIII approuve sa nomination. Au sein de l'Académie des sciences, il pèse de tout son poids pour que Sophie Germain — le seul "possible amour" que nous lui connaissons —, dont il a reconnu les qualités de mathématicienne, puisse suivre les séances. C'est la première femme à bénéficier de ce privilège. Le 11 décembre 1823, Fourier est nommé membre étranger de la Royal Society de Londres, puis membre de l'Académie française le 14 décembre 1826. Point culminant de sa vie universitaire, il remplace Laplace en 1827 en tant que président du conseil de perfectionnement de l'École polytechnique. Pendant les cinq dernières années de sa vie, Fourier est malade de façon intermittente. Avec l'âge, il manifeste une sensibilité excessive au froid. Arago note : « notre confrère se vêtait, dans la saison la plus chaude de l'année, comme ne le sont même pas les voyageurs condamnés à hiverner au milieu des glaces polaires ». Ses derniers mois sont pénibles. Il souffre d'insomnies et continue cependant à travailler ; pendant cette période, il écrit plusieurs manuscrits mathématiques qui s'avèrent illisibles par la suite. Le 4 mai 1830, il ressent une douleur aiguë, mais continue à travailler selon son habitude. Il s'évanouit et meurt le 16 mai. Fourier est enterré au cimetière du Père-Lachaise (18e division), à Paris. Son ami et protégé Champollion se fera enterrer dans la même division, non loin de lui 8 , 9. Fourier est connu pour sa Théorie analytique de la chaleur 10. On lui doit des Rapports sur les progrès des sciences mathématiques, parus en 1822-1829, et des Éloges de Jean-Baptiste Joseph Delambre, William Herschel et Abraham Breguet, ainsi que la Préface à la Description de l'Égypte. Théorie analytique de la chaleur et séries de Fourier

Théorie analytique de la chaleur et séries de Fourier

C'est à Grenoble qu'il conduit des expériences sur la diffusion de la chaleur, qui lui permettront de modéliser l'évolution de la température au travers de séries trigonométriques. Ces travaux — compilés dans un mémoire qu'il présente à l'Académie des sciences en 1811 — qui apportent une grande amélioration à la modélisation mathématique de phénomènesg, contribueront aux fondements de la thermodynamique. La théorie des séries de Fourier et les transformées de Fourier ouvrent la voie à des recherches fondamentales sur les fonctions, mais ces outils sont très contestés, lors de leur présentation, notamment par Pierre-Simon de Laplace, Joseph-Louis Lagrange, et Siméon Denis Poisson. En 1821, Fourier n'en peut plus d'attendre et décide de publier lui-même ses recherches, au sein d'un ouvrage qu'il intitule Théorie analytique de la chaleur. En 1822, lorsqu'il succède à Delambre en tant que secrétaire perpétuel de l'Académie, il parvient à lever les blocages dont ses travaux font l'objet et à publier le texte dans Les Mémoires de l'Académie. Il décrit en préface le parcours semé d'embûches de son œuvre, et ajoute « Les retards dans la publication de mon œuvre auront contribué à rendre le travail plus clair et plus complet »11. Bernhard Riemann étudiera plus tard soigneusement l'histoire du sujet pour conclure : « c'est Fourier qui, le premier, a compris d'une manière exacte et complète la nature des séries trigonométriques. ». De fait, les difficultés techniques associées à ces outils ont accompagné toute l'histoire de l'intégration. Quant à la démarche générale, Henri Poincaré dira : « la Théorie de la Chaleur de Fourier est un des premiers exemples d'application de l'analyse à la physique [...]. Les résultats qu'il a obtenus sont certes intéressants par eux-mêmes, mais ce qui l'est plus encore est la méthode qu'il a employée pour y parvenir et qui servira toujours de modèle à tous ceux qui voudront cultiver une branche quelconque de la physique mathématique. » Longtemps mésestimés, plus pour des questions de philosophie des sciences, l'apport et l'héritage de Fourier sont aujourd'hui pleinement reconnus12 et l'on assiste à un véritable « retour de Fourier »13. Fourier n'a jamais abordé le problème de la nature physique de la chaleur et il s'oppose à la philosophie laplacienne selon laquelle la chaleur — et d'ailleurs tous les phénomènes physiques — provient de l'action newtonienne sur de petites distances. Dans ses écrits, il reprend la terminologie en vigueur, à savoir celle de la théorie matérielle de la chaleur, sans jamais mentionner le débat suscité par cette théorie, ne prenant position ni d'un côté ni de l'autre h , 14. De son vivant, Fourier est conscient de l'universalité de sa théorie et des domaines d'application de ses outils : vibrations, acoustique, électricité15, etc.. Le développement de ces domaines d'applications aboutira au xxe siècle à la naissance du traitement du signali. Norbert Wiener, père de la cybernétique, étudiera notamment de manière approfondie les outils de Fourierj. Par ailleurs, les travaux de Fourier ont été une grande source d'inspiration pour William Thomson (Lord Kelvin) qui aimait comparer la théorie analytique de la chaleur à un admirable poème mathématique16.